Encore et toujours les formations spécifiques métier

L'une des principales conclusions du rapport : la priorité donnée aux formation spécifiques métier. Pour 71 % des entreprises interrogées, cette approche est  essentielle pour aligner les compétences humaines sur les objectifs organisationnels, notamment dans les grandes entreprises (où ce chiffre atteint 78 %). Ce résultat marque la volonté des entreprises de développer des compétences contribuant directement à la performance globale ; affaire également d'adaption des compétences bousculées par des technologies en constante évolution. On notera que, si la formation aux soft skills s’est grandement développée (sous l’impulsion d’organismes qui, à l’instar du WEF, insistent sur le rôle des compétences transversales dans les nouveaux environnements de travail), la formation spécifique aux métiers (pratiques, processus, outils, etc.) reste privilégiée dans les budgets de formation. Cela vaut tout autant dans les entreprises françaises, et ne date pas de l’irruption du numérique ! Mais le Digital Learning n'y déroge pas : le « sur mesure » — contenus, parcours — demeure, avec les plateformes et les outils digitaux, un poste de dépense majeur. 

Le blended learning : largement adopté

62 % des organisations ont adopté le blended learning (formation présentielle plus numérique). Cette tendance particulièrement prononcée dans les grandes entreprises (72 %) répond au besoin de servir les préférences et les attentes variées des apprenants (vive le numérique !) tout en conservant les avantages de l'interaction en face-à-face. Cela vaut notamment dans les formations d'intégration des nouveaux employés en contexte de travail hybride ou à distance. Agençant modules d'e-learning, classes virtuelles ou ateliers pratiques (liste non exhaustive), les formations gagnent en flexibilité et en dynamisme. Et les entreprises françaises n’ont rien à envier à leurs homologues d'outre-Manche : je me souviens de l’étonnement d’Adam Miller (fondateur de Cornerstone, et son CEO à cette époque (2010)) au détour de notre conversation londonienne sur les pratiques de formation comparées États-Unis x France, devant la sophistication du mix formation « à la française ». 

D’une plateforme unique à l’écosystème numérique de formation : défis à tous les étages

Également mis en lumière : les défis posés par l'utilisation de multiples plateformes d'apprentissage. Près de la moitié des organisations (49 %) utilisent plusieurs plateformes, ce qui peut nuire à la cohérence, à la gestion des données et à l'expérience utilisateur. Cette fragmentation complique l'intégration des systèmes et la gestion efficace des parcours de formation, entraînant des coûts supplémentaires et, par exemple, le suivi plus difficile des progrès des apprenants. Les responsables formation français reconnaîtront des défis qu’ils s’escriment eux aussi à relever : l’innovation bombardant leur métier à flux continu, comment rester à flot ? Id est : comment, dans tout ce bruit, identifier, choisir et intégrer les nouvelles technologies, selon quels critères ? La création de valeur ? Certes, encore faut-il s’entendre sur ce qu’on appelle valeur et sur la façon dont on la mesure : un chantier qui reste largement ouvert.

Où en est la qualité de la formation ?

De fait, l'utilité des formations ne va pas de soi : seulement 53 % des personnes interrogées jugent la formation proposée par leur entreprise véritablement utile. Cet écart significatif entre les programmes de formation offerts et les besoins réels des employés doit pousser les entreprises à revoir continuellement leurs contenu et méthodes de formation pour s'assurer de leur pertinence et de leur alignement sur les exigences du poste et les aspirations des employés. Il y va de l'engagement et de l'efficacité des programmes de formation. La question des critères, déjà évoquée, et de la mesure des résultats de la formation est essentielle. Faut-il mesurer l’impact ou la qualité des formations (les deux !) ? Comment caractériser le lien entre qualité et impact (gestion des talents, performance opérationnelle des métiers, etc.) ? Qui décide de ce que vaut vraiment le résultat (le service formation, les apprenants, les responsables métier…) ? Les plateformes numériques étaient censées faciliter ces mesures, au service de programmes de formation de qualité et d’impact sans cesse croissant ; on en est encore loin. 

Expérience d’utilisation des plateformes LMS : il reste du chemin !

Seulement 31 % des apprenants trouvent très facile de finir leur formation via une plateforme LMS (Learning Management System) : en cause les problèmes d'ergonomie et d'accessibilité au sein de nombreuses plateformes : où et comment trouver les cours pertinents, donner son avis sur les formations suivies ? Le défaut de réponse à ces questions vient limiter la participation et l'efficacité de la formation. À la décharge des fournisseurs : la plupart des plateformes LMS datent d’une époque antérieure au développement fulgurant du Web 2.0 et des réseaux sociaux qui ont changé la donne en matière de convivialité et de transversalité. Depuis lors, la qualité de la « Learner Experience » s’est immiscée dans la road map des éditeurs, au même titre que le fonctionnel ; des éditeurs qui, parfois même, ont su renoncer à la surenchère fonctionnelle pour se concentrer sur la qualité de l’UX offerte aux apprenants et aux administrateurs, alors que le fonctionnel peut désormais être partagé entre diverses plateformes, comme on l'a repéré plus haut.

Les plateformes collaboratives d’usage plus fréquent dans les stratégies de formation

Tendance positive : l'intégration des outils de communication (MS Teams, Slack et Zoom) dans les LMS. 57 % des organisations utilisent ces outils pour améliorer la collaboration et l'engagement dans le cadre des activités de formation, renforçant ainsi le partage temps réel des connaissances et l'efficacité des programmes de formation. Le télétravail boosté par le confinement Covid n’est pas pour rien dans la généralisation de ces plateformes collaboratives ; que les activités formation aient fini par en tirer parti, cela n’a rien de surprenant, dans la mesure où la distancialisation de l’apprentissage (essentiellement dans ses formats asynchrones) s’était imposée depuis déjà de nombreuses années. Aujourd’hui, le distanciel se joue donc aussi en mode live (synchrone), souvent via ces plateformes collaboratives qui se sont dotées de certaines des fonctionnalités des classes virtuelles préexistantes. Même constat dans les grandes entreprises, les ETI et les PME françaises. Avec ou sans intégration approfondie à l’écosystème numérique de formation. En effet, ces plateformes collaboratives peuvent aussi vivre en harmonie à côté d'autres outils de formation, sans qu'il soit absolument besoin d’une organisation numérique trop contraignante. 

L'IA dans les Plateformes d'Apprentissage : Entre Potentiel et Réalité

L'intelligence artificielle (IA) joue un rôle croissant dans les plateformes, mais son adoption reste inégale. Le rapport révèle que 27 % des organisations utilisent l'IA pour des recherches intelligentes, tandis que 25 % l'utilisent pour adapter les parcours d'apprentissage en fonction des progrès des apprenants. Cependant, 26 % des plateformes n'intègrent pas encore l'IA, laissant un potentiel d'innovation inexploité. L'IA pourrait grandement améliorer l'expérience d'apprentissage en procurant des recommandations personnalisées, en facilitant la création de contenu et en adaptant les parcours d'apprentissage. On comparera ces résultats à ceux d’un récent sondage mené par e-learning Letter auprès de ses 20 K abonnés Décideurs formation-RH : Comment utilisez-vous l'IA dans votre métier ? Cette question appelle une réponse sans ambiguïté : en dépit des craintes et des incertitudes qu’elle génère, l'intelligence artificielle se positionne rapidement comme l’alliée potentiellement indispensable des professionnels de formation ; appropriation en cours ? Indéniable… 

Pour en savoir plus : l’enquête a été menée par Research Without Barriers, une société d’étude indépendante, auprès de 510 décideurs seniors responsables de la formation et du développement au sein d'entreprises britanniques comptant plus de 250 employés. Parmi eux, 45 % représentent de grandes entreprises avec plus de 3 000 employés.